franca ravet, rebonds
Rythmes
Fin 2006, Franca Ravet, confortablement installée dans son atelier bruxellois, seringue à la main, trace ce qui nous apparaît comme un profil. Il semble avancer, sortir de lui-même, au point de se dédoubler.
C’est un moment précis dont se souvient l’artiste, car il a figé en elle un désir puissant de répéter, non plus le geste, puisqu’il lui a semblé achevé, mais le motif lui-même.
Juin 2018, le profil ne l’a pas quittée. Il continue de la hanter, mais à la façon d’une petite musique intérieure qui l’entraîne et la porte sans qu’elle ne sache précisément où, à chaque nouvelle toile.
Un trait noir, une présence quasi humaine, quasi identique qui se répète sans jamais lasser. Comme si Franca Ravet s’était lancé le défi de se chercher, se reconquérir peut-être, se remémorer non pas uniquement sa propre histoire, mais toutes celles avant elle, depuis que l’Homme a ressenti le besoin de marquer sa présence dans ce monde, de s’immortaliser.
Par ce trait, elle revient encore et encore, de manière incantatoire, à cette matrice humaine originelle. Elle affirme ainsi la supériorité de l’art, celle qui atteste son existence d’être humain, pensant et créatif, capable de se réinventer à l’infini.
Car elle y revient toujours, et encore pour longtemps nous dit-elle, puisque l’empreinte ne semble pas vouloir s’effacer de sa mémoire.
Il est donc question d’histoire et de mémoire, mais pas seulement. Un projet encore plus ambitieux semble sous-tendre le travail de l’artiste. La quête d’une certaine vérité, qui, puisqu’elle n’est pas unique, se confronte à de nouvelles réalités, à la recherche d’elle-même.
Le motif s’imprime, se calque, se multiplie donc, mais n’est jamais parfaitement identique.
C’est un déni de perfection, une définition de l’art. Un rythme, une musicalité qui évoluent sur un paysage changeant où se reflète l’ambition de l’artiste en miroir.
Il y a donc aussi du mouvement dans les toiles de Franca Ravet. Une progression, un devenir. Une recherche de dépassement qui se traduit par un approfondissement sisyphéen de soi-même et de ce qui nous entoure.
Les techniques et les matières s’appliquent à se suivre et nous invitent à vibrer au gré de rythmes entêtants.
Malika Es-saïdi
art stories | gallery